Kaamelott feat. Justine Breton
Автор: Microciné Revue de cinéma et de télévision
Загружено: 2025-11-04
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Kaamelott appartient à cette famille d’histoires qui continuent de vivre dans leur propre attente. Après la série, les films n’en sont pas la suite, mais plutôt un sursaut, un redressement du regard. Quelque chose se poursuit, à bas bruit, dans la fidélité des voix et des visages, comme si le royaume arthurien n’avait jamais cessé d’être filmé.
Ce n’est pas tant un retour qu’une persistance : celle d’un univers qui a appris la patience, l’humour, la dépression et la musique du verbe. Alexandre Astier ne filme pas le Moyen Âge ; il le réinvente comme on réécrit une partition. Ce n’est pas le passé qu’il reconstruit, mais la manière d’en parler : une parole pleine, précise, exigeante, qu’on dirait arrachée à l’époque pour retrouver son poids, son timbre, sa lenteur. Chez lui, le mot est une note, et le montage, un souffle.
Le cinéma qu’il pratique semble souvent refuser de respirer, ou plutôt, il respire autrement : dans l’intervalle entre deux répliques, dans la musique d’un échange qui ne cesse de se relancer. Ce refus du silence n’est pas un manque ; c’est un mode de croyance. Croire au verbe comme à un espace commun, croire que la justesse d’un mot vaut plus qu’une lumière ou qu’un plan. Il y a là une esthétique du resserrement, du battement, de la coupe : chaque scène devient un fragment de pensée, un point-virgule posé sur le monde.
Et pourtant, quelque chose de mélancolique s’y glisse. Arthur ne parle plus pour régner ; il parle pour continuer. Il n’est plus le roi du mythe, mais le survivant d’une parole qui cherche son souffle. Son royaume n’a pas disparu : il s’est déplacé dans la durée, dans ce moment incertain où un personnage regarde son créateur et semble lui demander : que reste-t-il à dire ? On croit alors voir Astier lui-même, filmant l’ombre d’un doute, la fatigue d’un auteur qui se sait au centre de son propre récit.
Le cinéma ici n’est pas celui des grandes images, mais celui d’un travail obstiné sur la présence. Une coupe, une diction, un accord de voix : c’est là que se joue l’incarnation. Et s’il y a parfois une impression d’absence — ce manque d’épaisseur qu’on reproche à certaines images —, elle vient peut-être d’un trop-plein d’exactitude. Astier filme comme il compose : dans le tempo, dans le détail, dans la clarté des intentions. On pourrait croire à une sécheresse, mais c’est une ascèse. L’image, pour lui, est un prolongement du son.
Ainsi, Kaamelott continue de dialoguer avec son origine télévisuelle. Ce n’est ni un film, ni une série : c’est un geste de continuité, une manière de tenir le mythe à portée d’oreille. Le roi, les chevaliers, les enchanteurs parlent encore, mais chaque mot semble suspendu à la mémoire d’un autre médium — la télévision, le théâtre, la radio. Tout se joue entre le souvenir et la forme. Et peut-être qu’un jour, Kaamelott trouvera son lieu définitif : non pas le cinéma, mais un espace imaginaire du son, un royaume d’écoute.
C’est dans cet entre-deux que s’ouvre la conversation avec Justine Breton, docteure en littérature médiévale, maîtresse de conférences en médiévalisme et en littérature comparée à l’Université de Lorraine, membre du laboratoire SAMA. Sa parole vient ancrer le mythe dans la matière du texte, rappeler que le roi pensif de Chrétien de Troyes veille encore, derrière l’écran, à travers le temps. Ensemble, nous interrogeons la manière dont le Moyen Âge se reforme sous la lumière du cinéma, comment l’histoire d’Arthur devient miroir d’un auteur, d’une époque, d’une fatigue, d’une foi.
Il n’est pas ici question d’admirer ou de juger, mais de déplier cette matière, d’en suivre les rythmes et les doutes. On y parle du besoin de cinéma, de la lenteur qu’il impose, du risque qu’il contient. On y parle aussi du Moyen Âge comme d’une invention contemporaine : un espace de projection, de mélancolie et de désir. Et, au centre, cette question : qu’est-ce qu’un auteur qui filme son propre mythe ?
Les voix qui s’y croisent — celle d’une chercheuse, celle d’un cinéaste, celle du spectateur qui écoute — ne cherchent pas la réponse ; elles cherchent à comprendre ce que signifie continuer à croire à une parole. Car Kaamelott n’est pas seulement une série ou un film : c’est une expérience de durée, une manière de se souvenir du temps où la parole avait encore du poids. Dans ce dialogue entre passé et présent, entre Arthur et Astier, entre le son et l’image, se tient quelque chose d’infiniment rare : le retour d’un silence qui n’a pas encore eu lieu.
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