Southside Benny - You Don't Get Mercy From My Heart (Modern Soul Boogie 1987)

Voici un petit exemple d'un usage, à mon sens, particulièrement intéressant de l' IA: la mise en œuvre, en musique, en kbits du moins, des "inter-genres".
Comme certains ici, j'ai toujours apprécié des morceaux qui se trouvaient à la frontière entre plusieurs styles et qui arrivaient, tant bien que mal, à ne jamais (trop) tomber d'un coté ou de l' autre.
D' ailleurs, dans la dénomination totalement française, de funk (au féminin, hein, "la funk", on parle pas de Clinton et compagnie), cette porosité entre les genres était particulièrement présente, puisque le terme enveloppait toute la musique des années 80, post-disco, plus ou moins groovy, et pouvait inclure (parfois jusqu'a l' extrême, surtout du coté du lyonnais pittoresque), tout un tas de styles annexes, allant soit plus du coté électro (garage, house, freestyle, break, etc), soit plus du coté pop (synth-pop, hi-nrg, italo-disco, etc) soit plus du coté rock (soft rock, aor, west coast, ccm, etc). Je ne parle même pas des univers plus jazzy, et de toutes les couleurs traditionnelles des pays où etait produite la dite "funk" (mpb au Brésil, afrobeat bubble gum ou kwaito en Afrique du Sud, calypso, soca dans les Caraïbes, etc).

Evidemment, de manière générale, on a tendance à parler de "fusion", pour ces mélanges d' univers, mais le terme est très connoté, très délimité, (jazz et rock) et un produit atypique comme ce Southside Benny pourrait difficilement être qualifié comme tel. En fait, ces mélanges qui m’ont souvent fait trésailler n’ étaient pas particulièrement "pensés", comme tels, par leurs créateurs. Probablement jamais même (car rien que penser en terme de boogie est déjà totalement anachronique). Ces derniers avaient plusieurs choses en tête, un certain nombre d’ influences, et cela donnait ces résultats atypiques. Comme ces morceaux sont souvent en dehors des radars, les trouver était particulièrement laborieux et le plus régulièrement, le fruit du hasard. Pouvoir finalement reproduire ces mélanges, hors codes, hors parcours, en dehors de tous les mots valises, de tous les qualificatifs grand public des délimitations musicales, est l' un de ces petits plaisirs totalement inédits et ô combien stimulants que peut offrir; répétons le encore une fois; un usage intelligent et exigent de l’ IA, comme outil, comme moyen et non comme fin.

Je reviendrais probablement plusieurs fois là-dessus avec tous un tas de morceaux funk/rock 80s, entre aor et modern soul, dans les prochains mois, mais aujourd’ hui, avec ce Southside Benny, aka le roi de la bretelle, c’est le très fin rivage des pistes modern soul aux accents euro-disco que nous accostons! Quand je parle d’ euro, c’est bien sûr pour évoquer les synthés un brin kitschouilles (dits de fêtes foraines, dans le jargon), que l’ on retrouve particulièrement dans les productions européennes, surtout dans la seconde moitié des années 80, et beaucoup, mais alors beaucoup plus rarement sur des albums typés modern soul du fin fond de l’ Ohio ou du Michigan.

C’était ici l’ enjeu: une instru avec cette petite teinte kitsch (en évitant de tomber quand même dans les mêmes eaux que le plus cheap schlager autrichien de 1988), un soprano de belle qualité, asticoteur de gitanes maïs depuis ses plus vertes années au micro et le tout orchestré dans une ambiance mélancolique, un tantinet dramatique, en adéquation avec un texte âpre, tranchant et sans compromis. Trois ingrédients qui ne se mélangeaient, jadis, que très rarement, et qui, pourtant, quand la recette était bien suivie, pouvaient offrir, au détour d’un album soul 80s, d'une curieuse A3 ou B2, un résultat singulier se laissant particulièrement bien digérer!


Enregistré aux studios de Supramix Records en Février 2025.
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