Sergio Sollima feat. Vincent Jourdan
Автор: Microciné Revue de cinéma et de télévision
Загружено: 2025-10-05
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Il y a, dans la manière qu’a Vincent Jourdan de parler de Sergio Sollima, quelque chose d’un aveu : celui d’un spectateur qui retrouve dans un cinéaste l’idée même de ce que pourrait être un homme au cinéma. Non pas un homme idéalisé, mais un être pris dans l’histoire, traversé par elle, contraint d’agir et de choisir. C’est de cela que Sollima parle, toujours — du choix, de sa noblesse, de son impossibilité, de son tragique aussi. « Le cinéma au couteau », c’est peut-être cela : un art qui ne taille pas pour embellir, mais pour révéler la matière même des choses, comme on tranche une toile pour voir la lumière passer.
Sollima, né en 1921, a grandi dans une Italie où le fascisme formait les gestes avant même les pensées. Ce qui l’a sauvé — ou plutôt ce qui l’a rendu lucide — c’est le cinéma. Non pas celui qu’il devait servir, mais celui qu’il découvrait en cachette : La Grande Illusion, Potemkine, ou plus tard les comédies américaines où Fred Astaire, par sa danse, devenait l’allégorie d’une humanité invincible. Jourdan le rappelle : Sollima disait qu’il pouvait tuer John Wayne, mais non Fred Astaire — parce que le premier portait la force, et le second la grâce. C’est tout un programme esthétique : l’action n’a de sens que si elle contient la possibilité du mouvement intérieur, d’une élégance morale.
Ce n’est pas un hasard si l’arme de ses héros — Cuccio, Sandokan — est le couteau. Le couteau, c’est l’arme des pauvres, disait-il. C’est une arme de proximité, une arme sans distance, une arme qui suppose le regard de l’autre. Dans le geste de frapper, il y a la reconnaissance du visage. Peut-être est-ce cela, la politique chez Sollima : ne jamais oublier la distance humaine au cœur de la violence.
Le jeune Sollima, passé par le Centro Sperimentale du cinéma fasciste, apprend à filmer dans le lieu même où l’idéologie voulait produire ses images. Mais ce qu’il y découvre, c’est le contraire : la possibilité de voir autrement. Un professeur clandestinement antifasciste lui projette La Grande Illusion dans une petite salle obscure ; Sollima comprend que le vrai combat, désormais, se jouera sur l’écran. Et de ce moment, il fera la matrice de toute son œuvre : apprendre à lire les images comme on lit le monde.
Après la guerre, la faim, le théâtre : « Le théâtre, c’était ma femme ; le cinéma, ma maîtresse. » On pourrait croire à une boutade, mais elle dit tout de sa trajectoire. Le théâtre lui permet de vivre, le cinéma de penser. Et de ce passage naît un style — une manière d’habiter le récit sans se soumettre à sa logique. Les pièces comme L’Uomo col fucile racontent déjà ce qui reviendra dans les films : un groupe d’hommes confrontés au dilemme moral, à la nécessité de choisir entre le crime et la justice, le silence et la parole.
Puis viennent les genres : le péplum, l’espionnage, le western, le polar. Sollima traverse les formes populaires comme un moraliste déguisé en artisan. Son premier western, Colorado, est un film d’aventures, certes, mais où la violence garde toujours quelque chose de social, où le vent du désert porte encore les échos de la guerre. Là où Leone fait du western un mythe fermé sur lui-même, Sollima en fait une tragédie politique. Dans Le Dernier Face-à-Face, le professeur et le bandit échangent leurs âmes : l’intellectuel découvre la tentation du pouvoir, le bandit, la dignité du doute. C’est Mussolini et son contraire, deux figures d’une même corruption.
Jourdan, avec cette clarté d’historien qui ne renonce jamais à la ferveur du spectateur, insiste sur la cohérence du regard de Sollima. De Revolver à Sandokan, du western au feuilleton télévisé, la même idée circule : le monde est une arène où chaque geste engage la totalité de l’homme. Le cinéma de Sollima est traversé par cette morale du regard, que l’on pourrait résumer ainsi : filmer, c’est juger sans condamner, comprendre sans excuser.
Quand il passe à la télévision, dans les années 1970, Sollima ne s’abandonne pas : il trouve un autre territoire, une autre jungle. Sandokan, filmé en Inde et en Malaisie, n’est pas une concession, mais une continuation. Sous l’exotisme, il y a toujours le combat des peuples, la mémoire coloniale, la noblesse du faible. Ce que d’autres verraient comme divertissement, lui en fait un espace de résonance morale. L’image, chez lui, ne s’élève jamais au-dessus de l’homme ; elle en épouse simplement le mouvement.
On sort de la lecture du livre de Vincent Jourdan avec cette impression étrange d’avoir accompagné non pas une biographie, mais une éthique. Sollima, c’est un cinéma de la dignité, sans emphase. Un cinéma où l’héroïsme passe par la fatigue du choix. Il n’a jamais voulu être moderne : il a préféré être juste. Et c’est pourquoi son œuvre, encore aujourd’hui, garde cette beauté rare — celle des formes qui ne cherchent pas à survivre, mais à témoigner.
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