[Radio] “Le Paris d'Agnès Varda, de-ci, de-là”, une traversée photographique au Musée Carnavalet

Un regard franc, droit dans les yeux. Une expression sérieuse qui laisse percevoir un brin d’espièglerie. Avec sa coupe au bol reconnaissable, une chambre photographique à pleine main… Vous l’aurez deviné…Il s'agit d'Agnès Varda ! Un petit bout de femme, 1mètre 52, qui prend toute la hauteur de cette photo en noir et blanc. Un autoportrait a été réalisé en studio en 1956. On y voit des ailes d’ange accrochées au mur, et, pour modèle, un chat blanc. C’est la photo qui a été choisie pour l’affiche de l’exposition “Le Paris d’Agnès Varda, de-ci, de-là” au Musée Carnavalet et qui vient nous rappeler à quel point Agnès Varda est photographe.

Un métier qu’elle a d’abord choisi car il allie “le manuel et l’intellectuel”. Un métier qu’elle pratique dans sa cour-atelier, rue Daguerre “Paris XIVe”, comme elle aimait le dire. Son terrain de jeu favori. Elle y photographie ses voisins, ses amis artistes, Federico Fellini, Alexander Calder ou Jane Birkin… On la retrouve aussi en 1954, très dynamique, dans une petite vidéo muette, en pleine prise de vue pour tirer le portrait du célèbre Brassaï. Elle le dirige, couvre et découvre sa tête du voile noir de la chambre photographique. Et toujours, rue Daguerre pour décor, avec un mur décrépi derrière lui, pour ce portraitiste des graffitis.

Elle étudie la technique photo, l’histoire de l’art à l'Ecole du Louvre, et elle évolue rue Daguerre, qui est l’un des inventeurs de la photo… En 1975, Elle donne même le titre “Les Daguerréotypes” à un de ses films, lui-même inspiré d’un projet de l’Américain Paul Strand. Des plans serrés sur les commerçants de rue, du numéro 70 au 90, qui racontent leurs origines, leur activité professionnelle. Un petit écrin populaire, limité à 90 mètres de chez elle, – pour l’anecdote, c'est la longueur du câble électrique lui permettant d’éclairer l’intérieur des boutiques. Une galerie de portraits modeste, en mouvement, de la fameuse rue Daguerre, devenue un personnage central dans sa longue carrière de 70 ans.

Agnès Varda est une photographe photographiée. Inspirée et inspirante pour des grands noms de la photographie : Martine Franck, Claude Nori, Franck Horvat… Elle se retrouve de-ci, de-là, mais finalement toujours bien là. Quant à l’usage du medium… Toutes les photos de l’exposition ont été tirées par elle-même, ou sous sa supervision de son vivant. Quand on demande à sa fille Rosalie, ce qu’aurait pensé sa mère, si moderne, au sujet de la photo d’aujourd’hui, elle répond : “elle s’est toujours emparée des nouvelles technologies et s’intéressait au regard des jeunes générations. Elle qui n’a connu que les balbutiements de l'IA, je pense qu’elle ce serait interrogé : est-ce une collaboratrice éclairée ou une ennemie assumée”.

© Succession Agnès Varda.

Une chronique diffusée sur TSF Jazz mercredi 9 avril 2025 à 8h15.