Jean Boiron Lajous, cinéaste
Автор: Microciné Revue de cinéma et de télévision
Загружено: 2025-10-08
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Le 8 octobre, Hors-service sortira en salles. Film discret, mais nécessaire. Il parle à voix basse du vacarme du monde. Il ne célèbre pas la défaite : il en fait un point de départ. Ce n’est pas un film sur la fin d’un service, mais sur la possibilité d’un commun, fragile, recommencé à partir des ruines.
Un hôpital vide, repris par la nature. Des murs délavés, des couloirs où résonne la poussière. C’est là que Jean Boiron Lajous a choisi de rassembler des femmes et des hommes qui, un jour, ont quitté la fonction publique. Juges, professeures, facteur, policier, urgentiste : autant de figures usées par le même trouble — celui de ne plus pouvoir servir. Hors-service naît de cette fracture, non comme un constat, mais comme une expérience : et si l’on pouvait, le temps d’un film, réinventer le geste de se tenir ensemble ?
Le cinéaste raconte que l’idée vient de conversations, de confidences entendues : une souffrance partagée par ceux qui avaient choisi d’agir pour l’intérêt général. Leur solitude, leur sentiment de faute, ont nourri le désir d’un lieu commun. D’où ce pari : réunir des inconnus dans un hôpital désaffecté, symbole de ce service public démembré, et les laisser parler sans médiation. La caméra, silencieuse, ne questionne pas : elle recueille. Le film ne montre pas la ruine du service public, mais sa survivance sous forme de parole.
Le dispositif, d’une rigueur presque ludique, tient tout entier sur ce paradoxe : recréer un décor pour que la vérité y advienne. Chaque participant réinvestit une pièce : la prof sa salle de classe, la juge son bureau, le facteur sa tournée. Geste enfantin, geste politique. L’hôpital devient maquette d’un monde en train de se refaire. En repeignant, en rangeant, ils se réapproprient ce qu’on leur a retiré : la possibilité d’agir.
Boiron Lajous, lui, s’efface. On ne l’entend presque jamais, sauf une fois : quand l’une des participantes lit sa lettre de démission et s’effondre. Moment de fragilité extrême, qu’il dit avoir longtemps hésité à garder. Mais c’est précisément là que le film trouve sa vérité : dans la faille entre la force et la blessure, là où la parole devient partage. Car cette communauté provisoire, née d’un tournage, se découvre capable d’empathie. Un geste de cinéma devient geste d’humanité.
Hors-service n’explique rien : il laisse le temps au silence. Le vent, à un moment, traverse une scène, soulève une mèche de cheveux, déplace la lumière. Ce souffle, c’est peut-être le personnage principal du film — le réel lui-même, qui s’invite, sans prévenir, pour rappeler que quelque chose persiste encore. Le film n’a pas besoin de commenter l’actualité : elle y affleure d’elle-même, dans la parole d’une juge qui avoue ne plus croire à la justice, dans le désarroi d’un policier ou la fatigue d’un soignant.
À mesure que les discussions s’approfondissent, l’idée d’un « lieu d’expertise de la souffrance » apparaît : un centre imaginaire où l’on viendrait, non pour guérir, mais pour se reconnaître. Utopie fragile, mais nécessaire. Le film ne la propose pas comme solution : il la rêve comme possibilité. Il rappelle que le service public, avant d’être une structure, fut d’abord une manière d’être au monde, une promesse d’attention mutuelle.
Par sa sobriété, Hors-service s’oppose à l’héroïsme convenu des fictions sur les institutions. Ses protagonistes ne sont ni des saints ni des victimes, mais des êtres désarmés qui cherchent à comprendre pourquoi leur idéal s’est dissous. Le film ne répare rien : il offre un espace pour que la blessure se dise. Cette économie de moyens, ce refus du spectaculaire, font de Boiron Lajoux un cinéaste de la pudeur active — il filme non pour dénoncer, mais pour laisser advenir.
Dans la dernière séquence, d’autres silhouettes s’avancent vers l’hôpital. Difficile de dire si elles arrivent ou si elles reviennent. Le cinéaste ne tranche pas. Il laisse flotter l’image, comme une promesse suspendue : celle d’un recommencement. Ces pas dans la lumière, ce sont peut-être les nôtres.
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